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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/62

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SABBAT

a mon agilité puissante et volontaire, et la colombe qui crève son œuf d’un bec féroce a, comme moi, le cou très blanc.

Les malfaiteurs pensent à moi quand ils s’enfoncent dans l’ombre, écrasent le cœur de la boue, et mon chuchotement accompagne le silence de la clef clandestine qui ouvre la porte au-delà de laquelle on tue.

J’erre dans les rues où respirent si péniblement, comme des asthmatiques, les édredons de plumes au fond des rez-de-chaussée infâmes. Je me dresse dans le confessionnal, entre le pénitent et le juge, témoin au double visage, et tous les deux, en me détestant, implorent mon intervention.

Je danse sur le cœur des saltimbanques, soir de faim et de pluie et le sac de feuilles mortes est, surtout, lourd de mon poids sur les épaules révoltées.

Ah ! je sais… Je sais ma parenté avec les poignards et mon alliance avec les poisons. La Robe rouge a été teinte de mon sang chaque fois que les maudits ont expié, et je me demande ce que je suis le plus : le pendu ou le gibet.

Je suis, dans la brutalité des colères, le coup de poing. Dans les nostalgies des femmes, l’oiseau bleu qui bat des ailes au seuil des paradis fermés, et, dans leurs convoitises, le serpent de diamant qui ne cesse pas d’étinceler et de s’évanouir.

Je jette des roses à l’impudence ailée des nuits d’Épicure, mais, dans la fosse bénite, je