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SABBAT

Qu’un parfum passe, et la sorcière dont les aisselles ont l’odeur de la chèvre et de la violette, le suit en le multipliant mille fois par la puissance et la suavité.

Qu’une main la touche, et la sorcière apprend que la place de la volupté est, pour elle, aussi bien sur son orteil rose que sur son sourcil brun.

Qu’un baiser l’appelle, et la sorcière lui répond par les cent rossignols que la cage de sa poitrine contient.

Qu’un meuglement se fasse entendre, et la sorcière, couverte du poil des vaches rousses, armée de cornes pacifiques, écoute chanter dans les clarines l’appel mélancolique des pacages au pasteur sans nom.

Que le jardin soupire, et la sorcière a l’âme de la feuillée. Que la jungle gronde, et la sorcière a des flancs de louve. Que le soleil couchant plante sa rouge croix dans les sapinières, et la sorcière, comme un hibou plein de la sagesse de la cabale, se pose, l’enfer aux prunelles, au sommet du gibet rayonnant qui s’éteint peu à peu…

Que le printemps joue du carquois et du pipeau, et la sorcière devient tourterelle, fait courir, dans sa gorge, la perle roulante de l’ivresse et bat des ailes dans la seconde où halettent les dieux.

Que la graine tombe, et la sorcière prend racine dans la terre souterraine et, déjà, voit se balancer, au vent, ses trophées de feuilles.

Et que le Diable ait soif.