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SABBAT

« Le Miracle est à ceux qui le provoquent » m’a simplement dit ma mère. Et elle a baissé les yeux.

Sache, Bémolus, que les paroles insensées ont une vertu étrange. Celles que je venais de prononcer entrèrent dans le gosier d’un rossignol qui se trouvait par là et le firent si mélodieux que ma mère pâlit.

« Je te rappelle, me murmura-t-elle, que ma mère, à l’heure de sa mort, disait entendre chanter des oiseaux ravissants à son chevet. Et, effectivement, son visage suprême appartenait à l’invisible musique… »

— Ah ! sorcière ! Et le terrible chat noir que celle qui t’a conçue voyait, sur ton berceau, quand tu ne comptais qu’un jour ?

— Qu’importe l’apparence de nos génies, poète ! Des yeux de phosphore ou des gorges amoureuses, qu’importe ! Souhaitons la présence des génies à ceux qui naissent, à ceux qui meurent…

— Ah ! sorcière, tu n’étais pas si touchante, si innocente que tu veux bien le penser quand tu voyais ton cercueil à jamais vide de ton corps, ce corps trop vivant qui n’est que danse et qu’étincelles… Ton corps tu l’as donné au Diable, possédée !

— Satan ? Je le concevrais, s’il n’était pas. Et il sortirait, un soir, de mon silence.

Et, comme je ne peux pas, non plus, me