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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/95

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SABBAT

terions-nous, sans périr d’ennui, la solennité de ses désespoirs, si, à dix ans, il n’avait eu les chausses sur les chevilles et toute la sauvage Armorique à ses poings de vagabond ?

Quant à Prométhée, figure-toi, Bémolus, que ce captif m’émeut moins que son rapace. Qu’importe la souffrance lorsqu’on sait ? Mais le vautour, comme je voudrais le délivrer de sa faim affreuse ! C’est lui le dévoré.

Ne penses-tu jamais que les monstres sont tristes, et que nous avons, aussi, à chanter pour eux ?

Je te dis que l’inconcevable appartiendra, un jour, à l’Espérance.

Dieu, de tout temps, n’a-t-il pas murmuré aux poètes :

« Vous découvrirez ma sagesse partout où sourira votre folie.

Vous vous suspendrez à Dieu, comme la soif au vase.

Le visage de l’eau, du feu, de l’air vous sera plus proche et plus tangible que celui des hommes.

Mystérieusement, vous verrez la rose sourire aux lèvres de la tombe, et, devant les ossements des sépulcres, votre âme sera prise du désir de la danse et de cette frénésie qui lance les soleils dans les mondes illimités.

Dans toute image, même la plus naïve,