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Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/160

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ÉVOLUTION HISTORIQUE

flatter ou de calomnier son modèle. Le portrait pourra être plus ou moins expressif, partant plus ou moins idéal : il ne doit jamais cesser d’être vrai ; un semblable mensonge est une trahison envers l’art.

Ce que je viens de dire du portrait, je lé dis, et à plus forte raison, de tout tableau représentant une scène d’actualité : j’entends qu’elle doit être éminemment vraie, jamais flattée ;qu’elle reproduise les nations et les classes de la société selon leurs types, leurs mœurs, leurs passions et leurs idées : peu importe, au surplus, que les différentes figures qui forment le groupe soient ou ne soient pas des portraits. Nous avons dit (chap. III) que le peintre a le droit de varier à l’infini, du beau au laid, ses figures, comme le fait elle-même la nature : tout ce qu’on lui demande, c’est qu’elles restent dans leur vérité naturelle et qu’elles expriment quelque chose. La force et la vivacité de l’expression, le sentiment qui en résulte : tel est ici l’idéal. Or, voilà justement ce qui me met. en doute à l’égard des Moissonneurs.

Certes, ces paysans qui ramènent leur récolte, et qui de temps en temps s’arrêtent pour se livrer à la danse, sont de très-beaux garçons ; celui qui conduit le chariot et qui retient les buffles est admirablement campé et d’une fière figure : un empereur n’aurait pas meilleure mine sur son char de triomphe. Mais ces braves gens ne sont-ils pas un peu flattés ? Suis-je sûr d’avoir de-