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ÉVOLUTION HISTORIQUE

S’attendrissait et pTeurait sans mesure.

« Bon gré vous sais, lui dit le vieux rimeur ;

Le beau vous touche, et ne seriez d’humeur

A vous saisir pour une baliverne. »

Lors le richard en larmoyant lui dit :

« Je pleure, hélas ! sur ce pauvre Holopherne,

Si méchamment mis à mort par Judith. »

Sottise et impuissance ! Je n’ai pas d’autres termes pour caractériser de pareils ouvrages. Boyer, poëte tragique, fait si bien que son héroïne, Judith, la sainte et vaillante amazone des Hébreux, paraît atroce, et que le spectateur la maudit, tandis qu’il s’apitoie sur le chef des Barbares, descendu du Nord pour détruire le peuple de Dieu. M. Horace Vernet, à son tour, chargé de célébrer un des faits d’armes de l’armée française, conçoit son sujet de telle sorte, qu’en présence de son immense tableau, à la vue de ces femmes éperdues, de ces vieillards, de ces enfants, de ces guerriers massacrés dans leurs tentes en défendant leur liberté et leur patrie, on se sent saisi d’horreur et de colère contre cette bande d’étrangers qui, depuis plus de trente ans qu’ils ont mis le pied en Afrique, n’ont su, sous couleur de civilisation, que ravager, piller, brûler, enfumer, massacrer, faire des razzias, ramasser des boudjous, refouler les populations et étendre le désert, comme faisaient jadis les hordes de Tamerlan, de Gengis-Khan, d’Attila, de Xerxès, de Nabuchodonosor et autres fléaux de Dieu, que le progrès de