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Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/48

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DE L’IDÉAL

tile ; en ce genre, il ne peut produire que des monstres. Il en est de même de la beauté idéale : une femme, une déesse ne saurait être à la fois blonde et brune, grande et petite, forte et délicate. Quoi que fasse l’artiste, la beauté qu’il représentera sera toujours plus où-moins un portrait, une réalisation particulière.

Il y a même ici une chose qui distingue profondément l’art de l’industrie : c’est que, comme nous aurons lieu plus tard de le faire voir, tandis que l’industriel est forcé d’obéir scrupuleusement aux lois de la géométrie, de la mécanique et du calcul, c’est-à-dire à l’absolu, à peine de se constituer en perte, l’artiste, selon le but qu’il se propose d’atteindre et l’effet qu’il veut produire, peut s’écarter plus ou moins de son archétype : c’est cet écart facultatif qui produit dans l’art la variété et la vie. Mais revenons.

Puisque l’idéal est une pure conception de l’esprit, qu’il ne peut s’exprimer physiquement, si ce n’est d’une manière approximative, ni par conséquent se peindre ; et que cependant c’est la vision et l’impression de l’idéal qui fait tout l’objet de l’art, on se demande quel est, dans l’art, l’emploi de cet idéal, de quelle manière il peut être conçu, dans quelle mesure manifesté par l’artiste. Telle est la question capitale, et, à ce qu’il paraît, non encore résolue, de l’esthétique. Et c’est ce que je veux essayer d’expliquer, autant du moins que j’ai pu acquérir le droit, par mon esthésie