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FRAGMENTS DE COMÉDIE ITALIENNE

mais alors pourquoi vous y complaire au lieu de chercher à les guérir ? C’est que vous êtes bien misérable, Olivian. Vous n’étiez pas encore un homme, et déjà vous êtes un homme de lettres.

XIV

personnages de la comédie mondaine

De même que dans les comédies Scaramouche est toujours vantard et Arlequin toujours balourd, que la conduite de Pasquino n’est qu’intrigue, celle de Pantalon qu’avarice et que crédulité ; de même la société a décrété que Guido est spirituel mais perfide, et n’hésiterait pas pour faire un bon mot à sacrifier un ami ; que Girolamo capitalise, sous les dehors d’une rude franchise, des trésors de sensibilité ; que Castruccio, dont on peut flétrir les vices, est l’ami le plus sûr et le fils le plus délicat ; qu’Iago, malgré dix beaux livres, n’est qu’un amateur, tandis que quelques mauvais articles de journaux ont aussitôt sacré Ercole un écrivain ; que Cesare doit tenir à la police, être reporter ou espion. Cardenio est snob et Pippo n’est qu’un faux bonhomme, malgré ses protestations d’amitié. Quant à Fortunata, c’est chose à jamais convenue, elle est bonne. La rondeur de son embonpoint garantit assez la bienveillance de son caractère : comment une si grosse dame serait-elle une méchante personne ?