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MÉLANGES.

22 Juillet 1893.

Bons souhaits de départ du garçon d’hôtel de Hong Tjyong-ou :

« J’ai eu assez de mal avec ce coco là ! Il y a cinq mois que je le sers ; il ne m’a jamais donné un sou. Des clients comme ceux-là, malheur ! »

Hong Tjyong-ou s’arrêtera au Japon avant de rentrer chez lui. En bas, sur le seuil de l’hôtel Serpente, il donne ses instructions pour faire suivre sa correspondance : « À la légation de France de Tokio », et la patronne lui dit : « Sans rancune ! »

Rancune de quoi ?

Sur le trottoir, il sort de son porte-monnaie une pièce de cinq francs qu’il donne au garçon, silencieux.

Les colis sont installés dans la voiture ; il ne paraît pas autrement surpris que je n’y monte pas avec lui. Maintenant il peut bien se conduire tout seul. Nous allons nous séparer. Poignée de mains. Je lui dis : « à bientôt » ; il me répond : « à bientôt ». C’est tout. Ô les jaunes, l’esprit toujours tendu en une perpétuelle suspicion !

Je lui ai demandé : « Qu’avez-vous trouvé de mieux en France ? >

— En arrivant à Marseille, les chevaux. Ils n’ont paru bien grands.

— Et de moins bien ?

— L’égoïsme.

Cela sans qu’il songe à faire la moindre restriction en faveur de ceux qui l’ont fait vivre pendant plus de deux années.

Il emporte un porte-mine à plume d’or, mon dernier cadeau. La voiture a tourné le coin de la rue. Hong Tjyong-on, la cigarette aux lèvres, droit dans sa longue robe grise, ne s’est même pas retourné.

Je ne doute pas qu’il fasse parler de lui un jour, mais quant à recevoir directement de ses nouvelles, je n’y compte guère.