Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/199

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besoin, dans nos promenades, d’être escortés d’un détective. Nous n’avons pas été forcés de nous grimer. Aucun déguisement ne nous fut nécessaire. Nous n’avons porté ni lunettes bleues, ni fausses barbes. Nos expéditions se sont faites en plein jour, sans requérir aucune préparation particulière. Nous nous sommes bornés, M. Delbray et moi, « à sortir ensemble » et à goûter de concert le charme de Paris, dont M. Delbray connaît admirablement tous les aspects pittoresques.

Nul mieux que lui, en effet, n’en sait mieux les vieilles rues, les anciens logis, toutes les curiosités artistiques et historiques. Mais il n’est pas seulement un cicerone accompli, il est également au fait des « spécialités ». Il est le vivant dictionnaire des petites adresses. Il vous dira où se vendent, en toutes choses, les meilleurs produits, où l’on trouve les « calissons » d’Aix les plus frais et où l’on achète la plus fine toile de Frise. Quant aux magasins de bric-à-brac, il les connaît sur le bout du doigt. Depuis que je suis ses conseils et qu’il veut bien me diriger dans mes recherches, j’ai déjà acquis, pour mon appartement de la rue Gaston-de-Saint-Paul, de fort jolies choses que je n’eusse pas dénichées sans lui et qu’il m’a fait obtenir à fort bon compte. Il m’en a fait, par contre, délaisser certaines autres que l’on voulait me vendre trop cher et qui étaient d’authenticité douteuse. Enfin, pour tout vous avouer, il m’est devenu indispensable, et le résultat est que nous déjeunons ensemble presque tous les jours.

Nous déjeunons en camarades, en pique-nique, et nous payons chacun notre part. J’ai mis cette condition à nos agapes. De cette façon, nous sommes beaucoup plus à l’aise. C’est d’ordinaire à déjeuner que nous dressons nos plans pour la journée. Chaque fois, j’at-