Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/284

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cou était nouée une cravate jaune serin, du meilleur goût germano-napolitain.

Sous cet accoutrement M. Gernon avait un petit air modeste et satisfait et il recevait nos compliments avec une souriante majesté. Voyant le bon effet qu’il produisait, ce succès lui délia la langue et il nous apprit qu’il avait profité de son séjour à Naples pour renouveler un peu sa garde-robe. C’était là qu’il avait jeté son dévolu sur cette étonnante défroque, sans doute laissée par quelque touriste allemand. Ah ! M. Gernon s’entendait aux surprises. Tandis que nous le félicitions, avec une ironie dont il ne s’apercevait pas, sur sa nouvelle élégance, M. Gernon coulait de tendres regards vers la pauvre Mme Bruvannes, qui faisait de son mieux pour dissimuler son embarras. Il était visible, d’après les mines de Gernon, que c’était à l’intention de Mme Bruvannes qu’il s’était ainsi mis en frais. Après déjeuner, lorsque Gernon se fut retiré dans sa cabine pour y desserrer le nœud de sa belle cravate jaune qui l’étranglait, Antoine a taquiné sa tante sur l’amour qu’elle a inspiré à Gernon, car il prétend que Gernon est fort épris. Mme Bruvannes s’est défendue de son mieux, mais je me demande si, au fond, elle n’est pas flattée des hommages de ce vieux fou.


22 juin. — Mme Bruvannes, qui est la bonté même, a proposé à Gernon et aux Subagny d’al-