Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/333

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sible. Autour de lui, ses compagnons se trémoussaient aux sons redoublés du tambour. Lorsque le clou fut bien enfoncé, on a appelé un des matelots pour l’arracher, ce à quoi il ne parvint qu’avec effort. Une fois délivré, l’encloué, tout sanglant, est allé s’asseoir sur ses talons, tandis que les matelots en riant se passaient le clou de mains en mains…

La séance était terminée. Alors, ces énergumènes ont remballé leurs scorpions, leur brasero, leur tambourin, et la barque qui les avait amenés à bord les a emmenés sur l’eau noire et silencieuse, vers Alger illuminée au fond de la rade et d’où nous venaient, à travers l’air chaud, de molles senteurs de jasmin…


Alger. 23 juillet. Minuit. — La nuit était obscure, malgré les lointaines lumières du quai et les étoiles du ciel admirable… Nous étions seuls sur le pont, Laure et moi ; elle, étendue sur sa chaise longue ; moi, assis auprès d’elle. J’ai pris la main de Laure dans la mienne. Elle ne l’a pas retirée. Alors une fois encore, je lui ai parlé de mon amour. Je lui ai dit :

— Laure, je vous aime. Les jours passent ; le temps fuit. Je vous aime. Que m’importent les heures et les jours ! Je me sens vivre en quelque chose de grand et d’immuable. Je vous vois ; vous êtes là. Chacun de mes regards me révèle de vous