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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/122

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vit de monstrueuses. On cherchait par une sorte d’émulation stupide à se surpasser les uns les autres en excès où le plaisir de les faire entrait pour moins que la vanité de les avoir faits. Ce fut un temps de grands désordres et de singulières débauches : j’en pris ma part, et les exemples que je donnai restèrent fameux.

Si nous ne voyions pas poindre l’aube aux bougies consumées des parties, l’aurore nous surprenait dans le vin ou l’amour. Nous constations alors la duperie de notre double ivresse. Elle sommeillait autour de nous, chairs lasses et cheveux dénoués, cadavres des fantômes qui nous avaient leurrés. Nous nous en éloignions avec ennui.

Chaque soir, quelle qu’eût été l’aventure de la journée ou les travaux de la nuit, me ramenait malgré moi aux tables vertes. Parmi les nombreux passants qui s’y succédèrent, je remarquai, dès mon arrivée et durant tout mon séjour, une joueuse d’une grande beauté. Elle s’y montrait à la fois assidue et négligente, toujours assise à la même place, respirant les fleurs d’un bouquet qu’elle ne quittait jamais. Parmi tant de joueurs aux alternatives diverses notre chance restait