Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/125

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s’écroula sur le tapis ; une bougie rasa de sa flamme sa bobèche qui éclata. Nous nous regardâmes longuement. Madame de Sérences rougit comme si elle se sentait l’enjeu final. D’un geste qui la fit tressaillir, je lui montrai la table où j’éparpillai les cartes que je tenais entre mes doigts. Les figures peintes me parurent grimacer un sourire. Les rois barbus ricanaient aux valets glabres. La hallebarde des uns se croisait au glaive des autres. Les reines respiraient leur tulipe bigarrée. Je sentis que j’allais parler sans savoir ce que j’allais dire, et une voix que je reconnus la mienne murmura lentement, tandis que je conviais du geste la belle joueuse à reprendre, pour la conclure, la partie interrompue : « Tout, Madame, disais-je, tout, contre votre ombre ! »

C’est ainsi que j’ai joué et gagné l’ombre de Madame de Sérences. J’ai construit, pour en garder l’image à jamais, la maison magnifique : un des miroirs conserve en son cristal le reflet invisible sur lequel les portes se sont closes pour toujours. Elles ne se rouvriront pas pour moi et le merveilleux secret retournera avec la ruine du lieu qui le contient à l’éternelle poussière où vont les êtres, les choses et leurs ombres. »