Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
D’HERMOTIME A HERMAS

Quand on te remettra cette lettre, je serai déjà loin : j’aurai marché toute la nuit sous les étoiles ; j’aurai marché toute la nuit vers mon Destin. J’avais cru pourtant que je ne quitterais jamais nos beaux jardins, ô Hermas. Nous nous promenions ensemble ; c’est là où j’ai rencontré Hertulie ; c’est là où tu lui apprendras mon départ. Elle accusera mon amour et si je la quitte c’est à cause de l’amour !

L’amour seul nous fait nous-mêmes ; il nous rend comme nous serions, car il devient ce que nous sommes. Aussi, sa façon d’avoir lieu se subordonne à notre manière d’être, et elles témoignent l’une et l’autre de leur réciproque imperfection. La stature de l’amour est à la taille de notre ombre. Hélas ! la contagion de notre infirmité le discrédite ; on lui attribue l’origine de ses effets : elle est ailleurs, elle est en nous. L’Amour est beau. La laideur seule de