Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/157

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tain et taciturne constitue, aux yeux de la bassesse humaine, une infraction à ses usages et une sorte de sortilège où on se différencie de sa servitude, on envisagea cette réserve avec une malveillance contenue à peine par une réputation d’extrême richesse. Cette double sorcellerie de l’or et du silence constituait Hermas.

En effet, précédant son installation dans cette demeure, des voitures y avaient amené de magnifiques mobiliers. Une de ces voitures chargée de cristaux rares et d’inestimables verreries qui s’entrechoquaient aux cahots en traversant la ville, au pas lourd des chevaux, y laissa le souvenir d’un tintement mystérieux. Le lendemain passèrent les argenteries, car Hermas se plaisait à un luxe solitaire.

C’était son droit, ayant su s’interdire tout mélange entre soi et les choses, car il suffit, pour innocenter une jouissance, de conserver, au delà de son atteinte, un intangible point qui sache en être intact à jamais. Hermas était de ceux qui ont droit à tout par la supériorité où ils sont d’en pouvoir neutraliser l’esclavage : aussi il accommoda sa solitude à un entour de magnificence silencieuse, apparentée à ses