Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/218

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rains. Le lieu était taciturne, et le bateau s’obstina sédentaire à un endroit où la rivière, élargie en lac, semblait finir noire, informe et stable, et, sans continuer son cours, s’approfondir indéfiniment, superposant ses ondes à elles-mêmes et s’accumulant en soi.

En même temps que le spectacle de ma promenade avait changé avec le crépuscule crû et abouti à presque la nuit, ma tranquillité d’esprit avait dégénéré, à travers toutes les nuances de la mélancolie, en une sorte d’angoisse ; j’allais enjoindre aux bateliers de s’en retourner et de quitter ce bassin solitaire qui ne mirait en lui qu’un silence qui était l’âme de l’ombre quand j’aperçus, à l’écart d’une petite anse, une maison, là, triste, close et charmante au point que l’envie me vint de cueillir dans le jardin qui l’entourait quelques-unes des belles roses qui y croissaient. J’en respirerais l’odeur durant mon retour par la morne allée d’eau qui m’avait conduit jusque-là.

Une femme sortit d’un petit pavillon et m’offrit de visiter la demeure qu’elle gardait. L’isolement, l’accès difficile du cottage avaient, qu’elle m’avoua, éloigné les acheteurs quoiqu’il