Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/26

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Les rameurs se hâtaient courbés sur leurs avirons ; un peu d’écume me jaillit aux mains. On accosta et par une échelle de corde nous grimpâmes à bord. Il était temps. Les ancres remontèrent au cabestan viré ; on appareillait. Je restai seul ; mon père s’empressa d’aller parler à l’amiral. Le départ coupa court à nos adieux. Les sifflets se croisaient ; les commandements grondèrent aux porte-voix. Les voiles tendues s’enflèrent. Mon père avait regagné l’embarcation. Nous nous saluâmes ; nous ne nous sommes jamais revus.


*


Une altercation brutale, ma sortie dans un claquement de porte, une journée de colère à errer par la campagne, l’aspérité des paysages qui avoisinaient le château, le grand vent de cet été de brûlure, la promptitude d’un caractère hautain, la lubie d’un orgueil intraitable, tout fit de moi, avec l’insulte paternelle dont je ressassais l’ineptie, l’énergumène furibond qui, les poches pleines de cailloux, la tête perdue et les mains enragées, le soir, avait cassé à coups de pierres, méthodiquement et furieusement, les