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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/262

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ses lèvres vinssent murmurer sa raison à mon songe ; j’aurais voulu boire à son lac léthéen une mémoriale jouvence comme à l’eau de cette fontaine où je m’aperçus venant à moi, face à face, comme le silence vient à la solitude avec le désir d’apprendre l’une de l’autre le secret de leur accord.

Mon visage dans l’eau intermédiaire n’allait-il donc rien m’apparaître de moi-même ? Mes mains se tendaient vers le reflet de leurs paumes blessées. O mon Ombre qui m’apparaissais ainsi, tu semblais pourtant venue du fond de mon passé. Tu devais savoir ses voies mystérieuses ou ordinaires, ses aventures impitoyables ou quelconques. Dis ! sourires au crépuscule ! glaives d’or parmi les cyprès ou la torche peut-être ou les bagues...

Une pierre tombée avait détruit le miroir et me fit lever les yeux. Ils rencontrèrent ceux de l’Etrangère qui avait ainsi interrompu ma rêverie et qui semblait suivre la sienne sans s’apercevoir de ma présence.

Elle était debout en sa robe déchirée et cendreuse que dépassait son pied nu avec lequel elle avait poussé la pierre perturbatrice. Une