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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/287

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LE CHEVALIER
QUI DORMIT DANS LA NEIGE
A MADAME JUDITH GAUTIER

Je n’ai pas connu mon père, me dit-il, un soir. Quelqu’un prit soin de mon enfance pauvre et les premières années de ma jeunesse se passèrent dans le château qu’il habitait et où il vécut fort vieux, maniaque et hypocondre, occupé à des machineries d’architecture et d’hydraulique, à des imaginations de jardins, de kiosques et de fontaines. Il se ruina à ces structures, et, à sa mort, je vins m’établir dans cette chambre que je n’ai guère quittée depuis. C’est là que vit, ajouta-t-il, celui qui n’a pas eu d’aventures pour avoir été par trop aussi le contemporain de l’époque qui n’est pas. De là ma solitude et l’apparence d’être hautain aux propos du sort. La bassesse de ses offres justifiait l’abstention où je me tins d’y condescendre. J’ai vite borné mon désir à certains objets qui