Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/293

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gloires vaines de tes pensées d’autrefois, tu languis les jours de ta lente agonie faite de la honte de ce que tu n’étais plus et du regret de ce que tu ne pouvais pas être. Ton passé pernicieux survivait trop en toi pour que tout avenir contraire ne pérît pas à la contagion de son contact et tu souffris ainsi, engainé par la matière brute et basse de toi-même, la dominant pourtant du visage pur de ta tristesse.

Tu souffrais ainsi quand le peintre représenta sur sa toile anonyme l’emblème que que tu étais devenu. C’est ce portrait qui orne le mur de ma chambre. Il m’a averti de moi-même ; il a parlé à ma solitude de toute la doctrine de sa tristesse. C’est lui qui m’a enseigné à ne point s’aventurer hors de soi, car tous les pas marquent sur la neige et s’y effacent si vite au moindre vent qu’on ne peut plus revenir d’où l’on est parti.

Aussi, quand vient le soir au delà des vitres gelées en arborescence de forêts et en arabesques de grèves imaginaires où un regret imperceptible m’attriste de n’avoir pas abordé et de n’avoir pas dormi, je regarde, en maniant délicatement les verreries fatidiques et vides où