Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/296

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mille fois les escaliers ; j’ai ouvert toutes les portes. Non, pourtant ! car deux demeuraient closes à un bout et à l’autre de la maison, celles des chambres où mon père et ma mère moururent avant que je les connusse, elle, endormie en sa fleur par la surprise de la Mort, lui, pas avant d’en avoir subi lentement les méticuleuses tortures.

Nul portrait ne me restait d’eux, rien, sinon, de l’un, un cabinet plein de livres, de miroirs et d’épées, de l’autre, une galerie remplie de vitrines de coquillages, avec des armoires de dentelles et de broderies, et des tables en mosaïque. Quant aux clefs des appartements mortuaires, on les avait jetées jadis dans le bassin d’eau profonde, au milieu du jardin.

Ce jardin, d’ailleurs, est singulier ; vous le verrez tout à l’heure et tel à peu près qu’il a toujours été. De très hauts murs l’entourent de trois côtés et le soudent à la maison. Il n’est pas vaste, carré ; des arcades de vieux buis longent la muraille et forment aux angles du bout deux niches où sont deux figures, d’un Faune qui écrasait sous son sabot une grappe de raisin, d’un Centaure qui faisait rouler avec