Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garçons d’aujourd’hui ne me faisait sentir ce qui nous sépare. Nos jeunesses ne ressemblèrent pas à la leur et notre vieillesse s’en trouve plus loin d’eux.

Polydore m’avertit de son arrivée et de son intention de parvenir ici par eau à cause de la douceur du chemin et de la beauté des rives. La lenteur des barques lui plaisait plus, disait-il, que la hâte des postes : le bruit des rames lui paraissait plus harmonieux que le galop des limoniers. Ce fut du moins ce que je démêlai de son billet alambiqué et laconique qui m’incommoda du parfum de ses cires et m’étourdit du galimatias de son amphigouri en même temps que les entrelacs prétentieux de l’écriture m’exaspérèrent.

J’ôtai mes lunettes et les reposai sur ma table. J’allumai ma pipe et, en attendant que ce godelureau eût descendu le fleuve et abordât au port de Pontbourg, je me remis à fumer en regardant le ciel à travers les vitres de ma fenêtre, tout en caressant mon chien et en laissant aller la journée.

Vous connaîtriez ce coin de ciel, mon chien Diogène et le lieu où j’habite, mon cher cousin,