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Page:Régnier - La Cité des eaux, 15e éd.djvu/145

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Tandis que moi, uni à sa force mouvante,
Ivre d’air qui m’étouffe et de vent qui m’évente,
Je respire en sa triple et formidable odeur
Le Dieu terrestre, l’homme et la bête en sueur.

Encor, longtemps, toujours et d’échos en échos
L’espace retentit sous les quatre sabots.
Voici l’aube pourtant, bien qu’il soit nuit encore.
La ténèbre blêmit et l’ombre se colore.
La montagne dressée abrupte, d’un seul bloc,
Entasse ses cailloux, ses pierres et ses rocs.
Le Centaure hennit vers la cime lointaine ;
Il s’épuise ; son flanc palpite à son haleine ;
Il glisse, butte, tombe et sa force est à bout.
Il boite. Le sang rompt les veines de son cou.
Mais il monte toujours et sous moi je le sens
D’un effort monstrueux arquer son rein puissant ;
J’entends râler sa gorge et craquer ses jointures.
Le pic vertigineux qui l’attire s’azure ;
Nous allons vers le jour et la nuit reste en bas.
Le Centaure s’acharne et monte ; chaque pas
Le hasarde à la chute et le risque à l’abîme,
Mais tout à coup, d’un bond furieux, à la cime,
Sur le rocher étroit du suprême plateau,