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ARÉTHUSE


L’AMIE


Je t’apporte, ce soir, humble dans mes pensées,
Le geste langoureux des corbeilles tressées,
Avec les pommes d’or, les grappes et les roses ;
Le fruit mûr est plus doux parmi les fleurs, et l’aube
Est plus belle avant que soient mortes les étoiles ;
Voici la pourpre violette avec la toile
Faite de patience et de soirs et d’aurores
Et du bruit du rouet dont, hautaine, s’honore
La plus laborieuse autant que la plus chaste ;
Je t’apporte la rame aussi que la mer vaste,
Furieuse à la proue, éclaboussa d’écume ;
Voici le tiède lait qui comme le sang fume,
Blanc et rouge, tous deux bons à qui les veut boire
Aux lèvres de l’Amour ou au sein de la Gloire,
Et je t’apporte, avec mon orgueil âpre encor,
Ma colère crispant son poing que sa dent mord ;
Ô douce enfant, debout en ta robe tissée,
Je t’apporte, n’ayant rien autre, mes pensées :