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Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/114

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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS

Je porte ton image en mon âme car j’eus
L’ardeur et le frisson jadis de tes seins nus,
Et le petit sourire à peine de ta bouche
M’a fait vil, tour à tour, orgueilleux ou farouche
Sous la nuit furieuse ou le ciel étoilé ;
Amour, son dur marteau au poing, m’a martelé !
Et mon âme a souffert ce que souffrait ma vie
De pleurer douloureuse ou de rire ravie,
Chair lascive au désir de l’esprit anxieux ;
Et si ma face encor au songe de tes yeux
Revient parfois elle doit t’apparaître ainsi :
De bronze âpre ou d’un marbre à peine dégrossi
Où l’ouvrier dégage à demi de la forme
Ce qui d’obscur encor s’y ébauche ou d’informe
Et que le seul hasard du bloc d’où on le tire
Fait bouche de sanglot ou bouche de sourire.