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Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/216

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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


Puis viendra le réveil et le nouveau matin ;
L’été mystérieux au printemps qui l’appelle
Mêlera sa voix grave à son rire incertain ;

Enfant, tu tresseras la guirlande nouvelle !
Et comme l’orgueil clair dirigera tes doigts
Tu poliras l’argent que le marteau cisèle ;

Las de l’osier et las du saule et las de toi,
Tu voudras au métal qui pèse et qui résiste
Entrelacer les fleurs de les jours d’autrefois.

Les Heures reviendront lasses et déjà tristes
Et joignant à leurs mains où leur geste les tord
L’opale soucieuse et la pâle améthyste.

Elles, qui de leurs fleurs paraient l’enfant qui dort,
Invisibles jadis et faites de tes songes
T’apportent les fruits faux à qui ta bouche mord ;

Tu verras s’entasser dans l’argent qu’elle ronge,
Avec la poire acide et l’acide citron,
La grappe sans douceur dont la pourpre est mensonge,

Puis les saules d’argent, en pleurs, s’effeuilleront,
L’osier au bord de l’eau gémira dans la vase,
Et les oiseaux d’exil au ciel gris passeront.