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Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/230

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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


Les pampres roux saignaient au-dessus de la porte
De ton verger d’arbres et de vignes ;
Les feuilles montraient l’or des fruits ;
Le vent semblait le pas de l’heure qui s’enfuit
Sur les bassins d’argent que son pied égratigne,
Et les Jours, à seaux clairs, puisaient au puits
L’onde du Temps où se miraient leurs faces lentes ;
Et l’on voyait s’épanouir dans le silence
Les palmes des jets d’eau et les cols blancs des cygnes.

Si j’avais su qu’ainsi, au détour de ma vie,
Tu te tenais debout, là-bas,
Au seuil de ton verger de vie,
Sous tes pampres en entrelacs,
Avec tes fruits de pourpre et ta bouche bonne,
Ô fils calme de mon Automne,
Si j’avais su
Le doux chemin de tes fontaines,
Le doux chemin au bout des haltes de la vie
Si j’avais su !

Je n’aurais pas trempé mes mains
Dans la cendre des crépuscules,
Ni heurté de mon front la porte de l’hiver,
Ni pleuré des soleils trop rouges sur la Mer,
Ni sangloté du chant des flûtes
Qu’Avril rieur gonflait de son souffle nouveau,