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Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/77

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ARÉTHUSE

Et j’étais belle et nue et tiède
Et douce à tes lèvres,
De tout mon corps et de mes lèvres.
Et tu pouvais baiser ma bouche,
Et tu pouvais toucher mes seins,
Avec tes mains,
Me toucher toute !

Il fallait manier mes cheveux
Comme on ramasse des algues jaunes, brins ou nattes,
Où de l’or se mêle aux reflets bleus ;
Il fallait regarder mes yeux
Comme on regarde l’eau qui luit en flaques
Sur le sable plus doux à toucher qu’une joue ;
Il fallait toucher mon ventre
Comme on joue
À flatter de la main une vague qui s’enfle
Et se gonfle et s’apaise et qui n’écume pas,
Et suivre en souriant la trace de mes pas
Et sourire et chanter et vivre
Sans épeler le pied du Destin sur le Livre
De la grève où la mer efface chaque jour
Le vain grimoire triste auquel tu t’appliquas ;

Il fallait mettre en tes pensées
Du vent, du soleil et de l’amour,