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Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/89

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LES GARDIENNES


Les cygnes du bassin qui s’endorment sur l’eau,
Le vent qui balbutie aux tiges des roseaux,
L’allée où, vers le soir, tombent les feuilles mortes,
Les trois marches du seuil et la clef de la porte,
La petite maison à travers les grands arbres,
La fontaine qui filtre en son auge de marbre
Et toi-même qui t’accoudes à ton métier,
Tout cela : le jardin, la treille, l’espalier,
Ce qui fut notre jour, ce qui fut notre joie,
L’eau qui rêve, le vent qui rit, l’arbre qui ploie,
Et les heures dont tu coupais les longs fils morts,
À mesure, au tranchant de tes clairs ciseaux d’or,
Car c’est entre tes mains que les heures sont mortes,
Rien n’a changé : la clef se rouille sur la porte,
Les bras de l’espalier se crispent de l’attente,
Le cygne est endormi, la fontaine plus lente