Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/184

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soir, à la lueur des torches, devant la porte de l’hôtel de Grigny, et dont j’avais emporté l’image, peinte au fond de mon cœur. C’était elle aussi que je voulais accompagner jusqu’à la tombe et honorer de mes larmes.

» Ma résolution prise, je songeai au moyen de l’exécuter. Il me restait un peu de l’argent gagné aux concerts de maître Pucelard. Muni de cette épargne, je me dirigeai vers l’église où les gens de monsieur le duc avaient fait leur choix. Je connaissais de longue date tous les mendiants du porche : c’étaient ceux-là mêmes à qui je donnais parfois en passant une petite monnaie. Il y avait parmi eux un certain Jean Ricouillot. Une dartre vive au visage le rendait assez hideux, mais le laissait de bonne humeur, pour la raison qu’il la grattait chaque soir et la refaisait chaque matin. Fort habile à ce stratagème, il en tirait de quoi manger. Je ne doutai pas que le drôle n’eût su, des premiers, se faire engager pour l’office dont je vous ai parlé. Je ne me trompais pas. Aussitôt, je lui fis part de mon projet. Il s’agissait simplement qu’il me cédât sa place en cette affaire. Il fut fort étonné de ma demande, mais il ne vit aucun obstacle à cette supercherie. Aussi accepta-t-il