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Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/152

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LA DOUBLE MAÎTRESSE

cherchait un livre. Mme de Galandot se servait assez souvent de grands in-folios qui contenaient le terrier de Pont-aux-Belles et des seigneuries qui en dépendaient. Les plans en étaient figurés en couleurs avec une habile précision. On y voyait la disposition exacte des lieux-dits, avec leur nom et leur bornage. Tout y était minutieusement représenté, cultures, friches, ruisseaux, prés et taillis, et même les arbres par de grosses boules vertes. Ces belles cartes étaient ornées de cartouches contournés et d’un pompeux encadrement. Mme de Galandot aimait à les consulter et elle tirait quelque orgueil de cet examen. Certes, elle avait amélioré et agrandi ce beau domaine depuis le temps où l’ordre du feu comte avait fait dresser les plans dont les vastes registres servaient d’abri à Nicolas et de paravent aux agaceries de Julie. Derrière les grandes pages ouvertes, Nicolas rougissait et pâlissait tour à tour et Julie, tout en lui tirant les oreilles et en lui mettant les doigts dans le cou, regardait par-dessus l’épaule de son cousin passer sous ses yeux les bois, les prés, les étangs et les labours qui composaient ce beau comté de Pont-aux-Belles dont le possesseur obéissait au moindre signe de son petit doigt.

Les années précédentes, Julie voyait arriver d’avance avec plaisir le moment de retourner au Fresnay ; mais, cette fois, Nicolas et elle étaient si occupés l’un de l’autre que le temps fuyait sans qu’ils y prissent garde. L’extrême beauté et la forte chaleur du mois de septembre les empêchèrent de s’apercevoir qu’il touchait presque