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Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/179

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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Portebize ; mais personne n’en vint jamais à lui parler de M. de Galandot, et il savait, par M. Lobin, que son oncle avait passé à Paris plus de dix ans de sa vie. M. de Kerbis, lui-même, ne lui en fit aucune mention, quoique le vieux gentilhomme fût une gazette vivante et tint tablettes, depuis plus de cinquante ans, de tout ce qui concernait la cour et la ville, surtout en généalogie. Sa malice savait sur le bout du doigt les origines de tout ce qui comptait au monde et ne se gênait point pour servir aux gens, à l’occasion, les alliances mesquines et les parentés gênantes. Il venait justement aujourd’hui d’en dire une bonne à M. de Valbin qui ne voyait dans sa maison que feu M. le chancelier qui l’illustra et se taisait sur le Valbin qui vendait des herbes et des seringues, il y a cent ans, au coin de la rue des Trois-Pots, à l’enseigne du Pilon-d’Or.

Le chevalier, qui goûtait peu ces entretiens, avait pris à part François, et ils liaient partie d’aller souper le jeudi suivant chez Mlle Damberville, de l’Opéra, au lieu d’écouter le petit Valbin rouge de colère, qui ripostait à M. de Kerbis par quelque aigre propos que le bonhomme se dispensait d’entendre en faisant le sourd, selon sa coutume, ce qui lui permettait de feindre d’ignorer les bruits qui couraient presque à haute voix sur les frasques de Mme de Kerbis dont les quarante ans grassouillets rivalisaient avec ceux, plus plantureux, de Mme de Gurcy, en combats de minauderies auxquelles M. de Portebize s’obstinait par trop à ne point répondre. Aussi fut-ce sous leurs