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LA DOUBLE MAÎTRESSE

fiter de l’ombre et du moment. Le pire est qu’elle était jolie ainsi, dans un désordre savant et préparé ; mais vraiment un homme dans ma position avoir une Mme de Meilhenc ! et pas même l’avoir en passade, entre deux portes, mais toute une nuit !

« Je tentai de lui faire comprendre mes raisons ; mais elle s’obstina si bien que je sonnai Basque et Bourgogne et leur enjoignis de reconduire chez elle ma visiteuse ; mais les deux drôles se contentèrent de la mettre dehors et de la laisser là, en pleine rue, toute seule, sans carrosse et sans lanterne… Une fois débarrassé de sa présence, je m’enquis des moyens qu’elle avait pris de pénétrer jusqu’à moi. Bourgogne prétend que c’est Basque qui l’a introduite. Il doit mentir, j’en suis sûr ; mais il est dans l’ordre des choses humaines que l’innocent pâtisse. J’ai, comme vous l’avez vu, rossé ce pauvre Basque que j’entends encore geindre à petit bruit. »

M. Laverdon écoutait cela avec un sourire discret et paternel.

Il prenait de M. de Portebize une idée de plus en plus haute.

— « Ah ! Monsieur, voilà qui est admirable et qui justifie mes prévisions ! L’ai-je assez dit : « Ce M. de Portebize, il ira loin. » Aussi auguré-je de vous de grandes choses. L’amour mène à la gloire. M. le maréchal de Bonfort, qui fut un grand homme de guerre par l’à-propos de ses retraites et le bon ordre de ses déroutes, et M. le duc de Tardenois qui fut un grand homme de cour, eurent,