Aller au contenu

Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/330

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

entendit courir derrière lui. L’homme, avant de l’avoir rejoint, disparut dans une ruelle latérale. À un carrefour, il y avait un chien assis sur son derrière. Il se léchait une patte l’une après l’autre, et jappait plaintivement. M. de Galandot marchait toujours. Arrivé au coin de la rue del Babuino, il hésita, puis il la prit et pressa le pas jusqu’à la porte de Cozzoli.

Cozzoli se levait à l’aube. Il était actif et travailleur. Il s’installait sur sa table et commençait à coudre et à couper. Il besognait ainsi longtemps avant que sa femme descendît à la boutique, de la soupente où couchait toute la maisonnée. Theresa et Mariuccia étaient plus paresseuses encore. Elles restaient tard au lit, soit à dormir, soit à badiner, et il fallait que leur père vînt lui-même les tirer de la paillasse. À l’heure dite, le nabot grimpait l’échelle. Les vauriennes faisaient bien mine de sommeiller, mais Cozzoli ne s’y trompait pas ; elles avaient beau se cacher le nez sous les couvertures, le tailleur était sans pitié. D’un coup de main, il tirait les draps et les découvrait toutes chaudes de sommeil, débraillées, la chemise relevée ou en tapons, la cuisse à l’air. Il les taquinait et les houspillait pour les faire lever, réjoui de leurs bonnes mines et tout gaillard de la vue de leurs peaux fraîches, et elles déguerpissaient avec des rires et des cris joyeux. Mais souvent aussi le jeu tournait mal. Cozzoli était d’humeur changeante et, à certains jours, la meilleure et la pire se touchaient de si près qu’il était dangereux de provo-