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Page:Raîche - Au creux des sillons, 1926.djvu/56

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FRIMAS ET VERGLAS

jeune fille, la crainte de ne pas être aimé comme il le voudrait, arrêtaient les paroles sur ses lèvres.

C’était maintenant l’hiver. Une épaisse couche de neige recouvrait la terre. Les routes en étaient encombrées. Pour indiquer le chemin on bordait le sentier des traîneaux de branches d’arbres plantées dans la neige. C’était beau de voir ces routes blanches s’en allant en zigzag entre deux haies de jeunes sapins. De temps en temps on voyait un traîneau s’aventurer dans cet étroit passage. Les rencontres étaient à redouter. Il fallait les prévoir et s’arrêter dans les courbes pratiquées à cet effet et signalées par des branches d’arbres.

L’hiver était pour les hommes la saison du repos. Ils n’avaient qu’à soigner leurs bêtes et à couper le bois de chauffage pour l’hiver suivant, afin qu’il fût bien sec et pétillât en répandant une douce chaleur.

François qui avait plus de loisir venait deux fois la semaine faire sa cour à Marie. Et c’était pour l’autre homme l’atroce douleur de voir ces deux jeunes gens se parler bas comme deux amoureux, et d’être obligé de leur sourire comme un père bénévole.

Bientôt ce fut la fête de Noël. François offrit à Marie et à son père de les mener dans sa voiture à la messe de minuit. En retour Marie l’invitait à réveillonner chez son père. Celui-ci s’y était prêté, le cœur déchiré, car il entrevoyait le jour où on lui demanderait la main de Marie. Le cas échéant, il était résolu de crier son secret, de le crier de toute la force de son amour méconnu. Il ne pouvait plus tolérer cette fausse situation. Il fallait en sortir au risque de s’attirer le mépris de Marie et de se voir accusé de lui avoir tendu un piège indigne. Comme il était convenu, François vint les chercher dans la soirée du 24 décembre. C’était une belle nuit limpide et froide. Les étoiles toutes nues frissonnaient au ciel. La neige grinçait sous les traîneaux et miroitait comme une nappe diamantée. L’humble chapelle rayonnait de toute la clarté de ses cierges.

On chanta d’une voix forte et vibrante tous les anciens