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les dépaysés

L’institutrice ne daigna pas demander qui avait fait le coup. Elle ramassa elle-même les débris de fleurs fanées. Personne ne s’offrit pour l’aider. C’était bien la guerre ouverte. Pourtant, ces élèves qu’elle aimait hier, elle les aimait encore aujourd’hui. Elle songea qu’à force de bonté elle parviendrait peut-être à les conquérir.

Le soir, les enfants furent prompts à raconter à leurs parents les nouvelles de la journée, la tentative de chansons, l’incident du bouquet, ce que Jean Laplante et Thérèse avaient dit à la maîtresse, tout fut rapporté sans pitié. Ces potins servirent à alimenter la conversation des commères du canton qui s’étaient réunies chez Madame Laplante.

— Cette petite maîtresse dépense gaiement notre argent, commença Madame Levert, à apprendre des chansonnettes aux enfants. Est-ce là enseigner à lire et à écrire. Pour sûr que ma Madeleine ne fera pas encore sa première communion ce printemps. Deux fois qu’elle est renvoyée, une petite si intelligente. Si nous avions des maîtresses, cela n’arriverait pas !

Et la brave femme ne soupçonnait pas que Madeleine était une enfant rachitique, maladive, pleurnicheuse, insignifiante de corps et d’esprit, qui n’allait à la classe que pendant les premiers jours de l’automne, gardait la maison le reste de l’année à se faire dorloter par sa mère.

Madame Lebouc renchérit :

— Vous savez ce que mon Jean lui a dit à votre maîtresse ? C’est étonnant comme cet enfant a la réplique facile !

— Et ma Thérèse, ajouta Madame Laplante, n’a pas craint de l’appeler pimbêche à sa figure. Voilà