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Page:Raîche - Les dépaysés, c1929.djvu/33

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les dépaysés

— On voit bien que ce n’est pas vous qui faites les lavages ! D’ailleurs, vous allez reprendre Jean, et tout de suite.

— Madame, je l’ai chassé, il n’y a que Messieurs les Commissaires qui puissent le réintégrer.

— Nous allons voir, fit la femme, et elle partit.

Ce même après-midi, deux commissaires avec Jean à leur suite, vinrent à l’école. L’un d’eux, crut d’y aller d’un petit discours, où il insinua, avec le tact d’un éléphant qui marche sur des fleurs, qu’il ne fallait pas donner d’habitudes à la maîtresse. Il ne parla pas de celles qu’on pouvait donner aux élèves.

Le jeune Jean avait remporté sa première victoire qui fut suivie par bien d’autres. Pour les autres élèves, il était devenu le héros du jour, une sorte de martyr de la tyrannie de la maîtresse. Et sa mère était devenue le modèle des mères qui aiment leurs enfants. Toutes ses amies de l’arrondissement approuvèrent et complimentèrent son attitude vigoureuse. Pas une d’elles qui n’en eût fait autant !

Cette fois, c’était bien la persécution ouverte et forcenée contre la petite institutrice. Son prestige ruiné à l’école où ses élèves se montraient de plus en plus rebelles, insolents et insubordonnés, et contre lesquels elle ne pouvait plus sévir sans s’exposer à d’autres scènes fâcheuses de la part des parents. Décriée, vilipendée, rabaissée à tous les foyers, elle se sentait impuissante à tenir tête à la marée montante des insultes et des calomnies. Une vie de souffrance, d’humiliation, d’angoisse et d’inquiétude commença pour elle. Harcelée, molestée, abandonnée, sans amis, sans protecteurs, elle n’avait plus d’autres ressources que de pleurer. Et elle pleura plus souvent qu’elle ne rit. Ceux qui auraient pu