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Page:Raîche - Les dépaysés, c1929.djvu/82

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les dépaysés

nos croyances fussent à la merci de nos imaginations. »

Mon jeune homme prend congé de moi. De mon côté je me dirige vers l’hôtel de ville qui est le centre de la cité où aboutissent toutes les rues. C’est là où se réunissent chaque soir les prédicants ambulants, les parleurs publics. Il me plaît de les écouter en passant. Je remarque en premier lieu un vieillard, les cheveux en désordre, la barbe hirsute qui parle à tue-tête, une bible à la main. Il fait chaud. Il transpire, écume et n’a pas un seul auditeur. Je l’approche pour savoir de quoi il s’agit. Cela l’encourage, il parle plus haut, fait des efforts inouïs. Ce qu’il dit est si touffu, si confus que je n’y comprends rien. C’est sans doute un dément qui a la manie de parler.

Je me dirige vers un groupe assez considérable d’hommes qui écoutent un discours sur le socialisme. Par son accent, l’orateur doit être juif. Mais il ne dit rien de nouveau. Plus loin on écoute une harangue sur le bolchévisme. Il y a plusieurs autres orateurs. Tous s’accordent sur un point : la condamnation de la société moderne.

Comme je retourne à l’hôtel j’entends le bruit du tambour. C’est l’Armée du Salut qui parade. Un d’eux sort des rangs et fait un prêche dans lequel je ne trouve rien à reprendre bien qu’il soit dilué en beaucoup de mots et débité avec trop d’efforts oratoires. Une foule assez grande stationne pour écouter. On passe la sébile. Je constate que tout le monde donne généreusement. Je me demande si l’Armée du Salut est une religion, ou simplement une société philanthropique, lorsque quelqu’un me dit que c’est une organisation à la fois religieuse et militai-