Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome III (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/148

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que[1], apparaissaient enlevés[2] totalement, moyennant la diverse et plaisante lumière, laquelle dedans contenue ressortissait par la sculpture.

COMMENT PAR LA PONTIFE BACBUC NOUS FUT MONTRÉE DEDANS LE TEMPLE UNE FONTAINE FANTASTIQUE.

Considérants en extase ce temple mirifique et lampe mémorable, s’offrit à nous la vénérable pontife Bacbuc avec sa compagnie, à face joyeuse et riante, et, nous voyants accoutrés comme a été dit, sans difficulté nous introduit au lieu moyen[3] du temple, auquel dessous la lampe susdite était la belle fontaine fantastique. Puis nous commanda être hanaps, tasses et gobelets présentés, d’or, d’argent, de cristallin de porcelaine, et fûmes gracieusement invités à boire de la liqueur sourdante d’icelle fontaine : ce que fîmes très volontiers… Car, pour clairement vous avertir, nous ne sommes du calibre d’un tas de veaux qui, comme les passereaux ne mangent sinon qu’on leur tape la queue, pareillement ne boivent ne mangent sinon qu’on les rue[4] à grands coups de levier. Jamais personne n’éconduisons-nous invitant courtoisement à boire.

Puis nous interrogea Bacbuc, demandant ce que nous en semblait. Nous lui fîmes réponse que ce nous semblait bonne et fraîche eau de fontaine, limpide et argentine plus que n’est Argirondes en Étolie, Pénéus en Thessalie, Axius en Migdonie, Cydnus en Cilicie, lequel voyant Alexandre Macédon tant beau, tant clair et tant froid en cœur d’été, composa[5] la volupté de soi dedans baigner au mal qu’il prévoyait lui advenir de ce transitoire plaisir. « Ha ! dit Bacbuc, voilà que c’est non considérer en soi, ne entendre les mouvements que fait la langue musculeuse, lorsque le boire dessus coule pour descendre en l’estomac ? Gens pérégrins[6], avez-vous les gosiers enduits, pavés et émaillés, comme eut jadis Pithyllus, dit Theutes, que de cette liqueur déifique onques n’avez le goût ni saveur reconnu ? Apportez ici (dit à ces damoiselles) mes décrottoires que savez, afin de leur racler, émonder[7] et nettoyer le palais. »

Furent donc apportés beaux, gros et joyeux jambons, belles grosses et joyeuses langues de bœuf fumées, saumades belles et bonnes, cervelas, boutargues[8], caviar, bonnes et belles saucisses de venaison, et tels autres ramoneurs de gosier. Par son comman-

  1. Bas-reliefs.
  2. Détachés.
  3. Milieu.
  4. Renverse.
  5. Compara.
  6. Étrangers.
  7. Purifier.
  8. Caviar provençal.