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Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/354

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luy demandant que c’estoit à dire. À quoy respondit que c’estoyent motz Hebraicques, signifians : Pourquoy me as tu laissé ?

Dont soubdain replicqua Panurge :

J’entens le cas. Voyez vous ce dyament ? C’est un dyament faulx. Telle est doncques l’exposition de ce que veult dire la dame :

Dy, amant faulx, pourquoy me as tu laissée ?

Laquelle exposition entendit Pantagruel incontinent, et luy souvint comment, à son departir, n’avoit dict à Dieu à la dame, et s’en contristoit, et voluntiers fust retourné à Paris pour faire sa paix avecques elle. Mais Epistemon luy reduyt à memoire le departement de Eneas d’avecques Dido, et le dict de Heraclides, Tarentin, que, la navire restant à l’ancre, quand la necessité presse, il fault coupper la chorde plus tost que perdre temps à la deslier, et qu’il debvoit laisser tous pensements pour survenir à la ville de sa nativité, qui estoit en dangier.

De faict, une heure après, se leva le vent nommé nord nord west, auquel ilz donnerent pleines voilles, et prindrent la haulte mer, et, en briefz jours, passans par Porto Sancto et par Medere, firent scalle es Isles de Canarre.

De là partans, passerent par Cap Blanco, par Senege, par Cap Virido, par Gambre, par Sagres, par Melli, par le Cap de Bona Sperantza et firent scalle au royaulme de Melinde.

De là partans, feirent voille au vent de la Transmontane, passans par Meden, par Uti, par Udem, par Gelasim, par les Isles de Phées, et jouxte le royaulme de Achorie ; finablement arriverent au port de Utopie, distant de la ville des Amaurotes par troys lieues et quelque peu davantaige.

Quand ilz feurent en terre quelque peu refraichiz Pantagruel dist :

Enfans, la ville n’est loing d’icy. Davant que marcher oultre,