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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/86

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Excuſe de Panurge, & expoſition de Caballe
monaſticque en matiere de beuf ſallé.


Chapitre XV.


Diev (diſt Panurge) guard de mal qui void bien & n’oyt[1] goutte. Ie vous voy treſbien, mais ie ne vous oy poinct. Et ne ſçay que vous dictez. Le ventre affamé n’a poinct d’aureilles. Ie brame par Dieu de mal rage de faim. I’ay faict couruée trop extraordinaire. Il ſera plus que maiſtre mouſche, qui de ceſtuy an me fera[2] eſtre de ſongeailles. Ne ſouper poinct, de par le Diable ? Cancre. Allons, frere Ian deſieuner. Quand i’ay bien à poinct deſieuné, & mon ſtomach eſt bien à poinct affené & agrené, encores pour vn beſoing & en cas de neceſſité me paſſeroys ie de dipner. Mais ne ſoupper poinct ? Cancre. C’eſt erreur. C’eſt ſcandale en nature. Nature a faict le iour pour ſoy exercer, pour trauailler, & vacquer chaſcun en ſa neguociation : & pour ce plus aptement faire, elle nous fourniſt de chandelle, c’eſt la claire & ioyeuſe lumiere du Soleil. Au ſoir elle commence nous la tollir : & nous dict tacitement. Enfans, vous eſtez gens de bien. C’eſt aſſez trauaillé. La nuyct vient : il conuient ceſſer du labeur : & ſoy

  1. Bien n’oyt. Lisez : bien & n’oyt.
  2. Sera. Lisez fera.