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la sciomachie

du chaſteau, fut tiré grand nombre d’artillerie : & ſe retirerent les forains, qui pareillement mirent pied à terre, & delibererent donner la bataille, voyans ſortir du fort tous les tenans en ordre de combat. Pourtant prindrent vn chacun la picque mornee en poing, & les enſeignes deſployees, à deſmarche graue & lente ſe preſenterent en veüe des tenans, au ſeul ſon des fifres & tabours, eſtans les hommes d’armes en premiere filliere, les harquebouſiers en flanc. Puis marchans oultre encore quatre ou cinq pas, ſe mirent tous à genouilz, tant les forains que les tenans, par autant d’eſpace de temps en ſilence, qu’on diroit l’oraiſon dominicale.

Par tout le diſcours du tournoy precedent fut le bruit & applauſion des ſpectateurs grand en toute circunference. A ceſte precation, fut ſilence de tous endroits, non ſans effroy, meſmement des Dames, & de ceux qui n’auoient autre fois eſté en bataille. Les combatans ayans baiſé la terre ſoudain au ſon des tabours ſe leuerent, & les picques baiſſees en hurlemens eſpouuentables vindrent à ioindre, les harquebouſiers de meſmes ſus les flans tiroient infatigablement. Et y eut tant de picques briſees, que la place en eſtoit toute couuerte. Les picques rompues mirent la main aux eſpees, & y eut tant chamaillé à tors & à trauers, qu’à vne fois les tenans repoulſerent les forains plus de la longueur de deux picques : à l’autre les tenans[1] furent repoulſez iusques au reuelin des tourrions. Lors furent ſauuez par l’artillerie tirant de tous les quantons du chaſteau, dont les forains ſe retirerent. Ce combat dura aſſés longuement. Et y fut donné quelques eſraflades de picques & eſpees, ſans courroux toutesfois, n’affection mauuaiſe. La retraite faite tant d’vn coſté comme d’autre, reſterent en place à trauers les picques rompues & har-

  1. Tenans. Il y a ici, mais à tort, forains, dans le texte original.