Page:Racan Tome I.djvu/397

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Ce fut alors que je voulus, dans les bastimens, laisser des marques d’avoir esté. La succession de madame de Bellegarde, qui avoit augmenté ma fortune de quinze mille livres de rente, me donna le pouvoir de despenser soixante mille livres dans la moindre de mes maisons, qui estoit celle que mon père m’avoit laissée, et où j’avois esté nourry. Je fis en cela ce que le connestable de Richemont fit pour sa charge après qu’il fut duc de Bretagne. Je voulus honnorer et relever dans ma bonne fortune la maison qui m’avoit aidé et soustenu en ma misère. Mais la despense que je fis, quoiqu’elle fust au-dessus de mes forces, estoit beaucoup au-dessous de celles que font les favoris de la fortune dans leurs superbes maisons ; c’est ce qui me fit mépriser mon ouvrage.

Les bastimens ne font paroistre que la richesse de ceux qui en font la despense ; s’il y a quelque chose d’ingénieux, l’on n’en donne la gloire qu’à l’architecte qui les conduit, et ils n’étendent guère plus loin que leur ombre la magnificence de leur maître, ni l’adresse de l’entrepreneur. Le nom de Chapelain sera connu par sa Pucelle aux extrémités du nord et sur les bords du Boristhène et de la Vistule, avant que les peuples de la Sarte et de la Meine sachent que Racan a élevé des pavillons et des portiques, et, de quelque petite estendue que soit la réputation que nous en espérons, elle n’a rien de durable à l’éternité.

Tous ces chefs-d’œuvres antiques
Ont à peine leurs reliques ;
Par les Muses seulement
L’homme est exempt de la Parque,