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Préface.


plus de latin que lui, étoit arrivé, par de constants efforts, à connoitre à fond les éléments constitutifs de notre langue. Non seulement il ignoroit les règles courantes de l’orthographe, non seulement il entendit bien ne donner aucune attention à ces irrégularités de détail qui n’avaient pas en effet alors une très grande importance, mais il ne se rendoit pas même le moindre compte des lois les plus communes de la construction grammaticale. Il écrivoit une lettre comme nos grand-mères, comme une douairière de la cour de Marie de Médicis, c’est-à-dire avec aisance, avec grâce, avec naturel, sans aucun souci de ce qu’il regardait comme l’apanage exclusif des savants de profession. Par bonheur, en poésie, son véritable élément, il restoit encore à beaucoup d’égards l’homme de la nature. Tout en mêlant souvent à ses meilleures inspirations des impressions du moment peu poétiques en elles-mêmes, il alloit chantant comme chatoient les anciens rapsodes, comme chantent certains improvisateurs, nous dirions comme chantent les oiseaux des bois, si nous voulions nous-même mettre de la poésie dans nos comparaisons.

Les lettres que nous publions, et principalement les dernières, offrent un exemple sensible de ce que nous avons déjà exposé. Ces lettres sont loin sans doute de l’art qui distingue celles des deux célèbres épistolaires de cette époque ; mais elles n’ont pas non plus les défauts qu’on a reprochés aux lettres de Voiture et de Balzac. Elles ont au contraire, à un degré assez remarquable, quelques unes dès qualités qu’on a justement considérées depuis comme les véritables