Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/238

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ce sera toujours avec l’argent que je reçois de mon maître.

Berthe ne répondit pas. Elle cherchait un moyen de soustraire ce petit innocent à sa singulière situation, oubliant qu’il faisait, pour le moment, partie d’elle-même et en profitait malgré ses révoltes.

En cherchant durant toute une journée de rêverie désespérante, elle se souvint que la mouette blanche, dont les œufs étaient sur le roc où elle allait s’asseoir quand elle pouvait marcher, avait le dessous des ailes à vif parce qu’elle s’était tiré ses plus fines plumes pour en garnir son nid. La mouette n’avait donc eu besoin de personne !…

— Anne, dit-elle le soir, vous prierez M. le curé de venir me consoler un peu, j’ai besoin de lui.

Anne remarqua la clarté lumineuse qui s’échappait des yeux de Berthe.

« Est-ce qu’elle s’est fait une raison ? » pensa la bonne femme.

Le curé vint, il ne parut point s’apercevoir de l’état de Berthe, et quand elle lui eut dit d’un ton presque enjoué qu’elle allait être mère, il se signa sans une objection.

— Voici, mon père, expliqua Berthe se soulevant de sa chaise longue avec une subite énergie, je veux gagner un peu d’argent… oh ! seulement quelques sous pour acheter quelques mètres de toile, j’ai encore le vieux jupon que je portais sur moi lorsque l’on m’a sauvée et ce sera suffisant. … il ne sera pas si gros ! Auriez-vous une broderie à me confier ? Je