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Page:Rachilde - Alfred Jarry ou le surmâle de lettres, 1928.djvu/69

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ALFRED JARRY


nous-mêmes. Nous serons les Héros chantés par les poètes, les Dominateurs conservés par l’Histoire, les Conquérants acclamés par les guerriers. Nous serons jeunes et impérissables, nous aurons toutes les fleurs, tous les fruits, tous les parfums, toutes les essences.

Viens ! — les élans de mon être se précipitent vers toi, comme d’ardents coursiers que le cavalier peut à peine retenir, et qui vont bientôt l’emporter d’un galop furieux à travers le fleuve des désirs.

Viens, j’entends s’approcher les fanfares des marches triomphales — nous monterons vivants au Walhal. Au lieu d’hydromel, je te verserai l’extase, je te donnerai les joies de la pensée.

Viens, nul ne pourrait s’égaler à moi — je connais le désespoir d’Orphée et le déchirement de ses plaintes. Le vautour cessera de dévorer Prométhée, et Pygmalion n’essaiera plus d’amener une ombre vaine.

Viens, je te donnerai le Temps et l’Éternité — je connais le secret de l’Au-delà, tu n’imploreras pas inutilement des dieux sourds, et tu ne briseras pas ton Rêve aux bornes du Possible.