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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/110

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a pas d’art d’écrire. La littérature fut mon infirmité dès mon plus bas âge. Je m’en suis cachée, dès son début, comme j’ai essayé de dissimuler que j’avais une jambe plus courte que l’autre. Je n’ai jamais rien trouvé à louer dans cette fonction d’un cerveau sans cesse obsédé d’images, et j’en fus fatiguée, malade, jusqu’à en vouloir mourir. Plus tard, ma manière farouche, inégale, touchant souvent à l’excentricité, fut encore plus condamnée qu’approuvée. J’ai toujours compris, sans qu’on dût m’y forcer, que je restais en marge et je l’ai mieux apprécié que compris. Élevée dans la phalange des maudits, j’ai dû apprendre, à leur obscure école, que l’on ne décerne pas le prix à celui qui fait le plus de grâces dans l’arène, mais bien à celui qui fait preuve de la meilleure endurance. J’ai tout enduré : la faim, le froid, ce qu’on appelle, de nos jours, le manque à gagner et aussi le mépris de mes contemporains. Je ne l’ai pas cherché, mais l’ayant subi je n’ai jamais rien fait pour reconquérir leur estime. Au fond, qu’est-ce que l’estime des voisins ? On