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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/196

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tence, car ce qui l’a surprise en pleine prospérité ne s’explique pas : on gagnait bien, on ne faisait de mal à personne et voilà que tout s’arrête, que tout casse, le commerce et le fil social. Les hommes s’en vont : « Ils chantaient, Madame et Monsieur, que ça faisait peur ! » Puis, plus rien. On ne reçoit pas beaucoup de lettres et on ne comprend pas ce que racontent les journaux, « puisqu’on escamote les noms des pays et des gens ».

Ce village est un morceau de grand’route avec des maisons des deux côtés. Il se serre dans un corridor plein de courant d’air, entre deux collines où s’étagent des vignes. Notre chambre, il n’y en a qu’une, est si vaste que, séparée par un abondant rideau à fleurs, elle nous fera l’effet d’un petit appartement. On déballe, on range et on tâche de se persuader qu’on sera bien parce qu’il y a de l’air, de la lumière, qu’on verra un facteur avant déjeuner. Je suis prise d’un accès d’organisation, une fièvre violente qui me sépare du monde et ne me laisse pas le loisir de me plaindre. Je penserai plus tard. Je ne suis