Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/116

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ment, moi, votre confident et votre unique protecteur, puisque vos parents ignorent ce que je sais, je désire vous sauver, si c’est possible. Vous n’avez que vingt ans, Laure, et les livres saints prétendent que c’est l’âge des élans généreux. Je ne vous parlerai ni de l’amour de Dieu, ni de nos sacrements. Abandonnons les choses sacrées pour ne pas les salir au contact des passions mauvaises ; nous y recourrons plus tard, quand nous serons moins affolés. (Il s’arrêta, mit à son front la fraîcheur d’un feuillage qu’il déchiquetait machinalement.) Je dis nous, car il y a ici deux coupables… Je suis peut-être même plus coupable que vous. (Il baissa le ton.) Oui, ma pauvre enfant, j’éprouve pour une femme, dont je n’ai pas à prononcer le nom devant vous, ce que vous éprouvez pour Lucien Séchard. Cette femme, comme le clerc de votre père, est marquée d’une plaie hideuse, elle est tarée du signe fatal de la luxure ; mais, s’il m’est défendu de l’aimer, il ne m’est pas défendu de chercher à la tirer de la boue…

Laure s’agenouilla aux pieds du jeune homme, lui présentant une touffe de roses :

— Vous êtes bien dur pour votre enfant, mon cher père ! dit-elle.

Armand lui sourit d’un sourire plein d’amertume, laissant ses mains tomber.

— Oui, mon enfant… ou mieux, ma sœur !

Il y eut un silence. Laure enfouit son visage pâle de convoitise dans les mains longues et frêles du